* Un article de Pascal Tréhet et Eric Hervé, du 5 janvier 2017.
Un battement de cœur qui vient de loin.
L’Afrique dispose de traditions séculaires, comme une conscience pour construire une modernité équilibrée et durable.
Le travail de SeBa, artiste nzebi native de Koula-Moutou, chef-lieu de la province de l’Ogooué-Lolo au sud-est du Gabon, s’inscrit entre ces deux pôles. Il est moins celui d’un griot qu’une lecture sensible des faits de société. Aucune imprécation, aucune apocalypse romantiquement invoquée, cette artiste tradi-moderne réconforte, sa musique est un baume au cœur.
La longue histoire se lit ainsi dans l’instrumentation de son précédent opus de quatre titres Uchombè où, dans le titre Volema, le « mvet » de la culture fang se mêle avec les « ba kὸkὸ » – baguettes ou bâtons – qui sont aussi utilisés dans les rythmes L’gwala, Jembè, Bwiti… Arrêtons-nous un instant sur le mvet, instrument – une harpe-cithare – mais aussi rite d’enseignement porté par les diseurs de mvet mobilisés par l’avancée des connaissances nouvelles comme par la longue mémoire du peuple Fang. Tradition, oui, mais rénovante.
Kundu, nouvel album éclectique et authentique
Les thèmes actuels traités dans le nouvel album Kundu permettent à SeBa de s’adresser à des individus mais aussi à des groupes humains saisis dans un moment de leur histoire. Le panafricanisme sous-jacent à L’Kaghé na mbèmbi, filmé et mis en clip par David Mboussou parallèlement à la sortie officielle de l’album le 18 novembre 2016 à l’Institut Français du Gabon à Libreville, traite de l’ingérence des entités étrangères dans le continent africain. Mais aussi de celle d’un tiers dans un couple, preuve, s’il en fallait, qu’il en est des macrostructures comme des expériences de plus humbles périmètres. Tout peut se dire en gardant une mesure. Celle de l’Homme « Entre l’écorce et l’arbre tu ne mettras pas ton nez sans douleur ». Pareillement, Mama Africa s’adresse aussi bien au continent qu’à tous les individus de sexe féminin qui animent concrètement ces sociétés. Une vérité gênante pour certains.
Ce dernier-né de SeBa, Kundu est un album éclectique et authentique alliant traditions et modernité. Inspiré des cultures bantoues d’un Gabon éternel, chanté en puvi, akelé, myéné, en français et en nzebi, cet album world fusion jazz est la voie d’un renouveau africain naturel, clair, frais, limpide et ouvert sur le monde.
Il préfigure ce modèle alternatif, plus équilibré et durable qui, en écoutant nos voix ancestrales mais modernes, nous met en main la clé pour « trouver la solution ».